Classique Mais Implacable - Tumblr Posts
Le trou
Défi d’écriture 30 jours pour écrire, 27 août
Thème : soleil/repartir de zéro
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Le soleil brûle ma peau et cuit tout le paysage à l’étouffée, transformant le monde en four.
Je veux rentrer chez moi.
Ah, oui. Je n’ai plus de chez moi.
C’est doucement ironique, non ? Moi qui ai coupé tous les ponts avec ma famille, qui ai rejeté mon héritage et mes responsabilités, moi qui suis parti à fond la caisse en n’ayant que ma voiture et les vêtements que j’avais sur le dos… Moi qui ai tout fait, tout sacrifié pour être certain d’enfin pouvoir faire absolument tout ce que je voulais. Repartir de zéro, selon mes propres termes cette fois, mes propres règles du jeu. Je me retrouve en train de mourir à petit feu dans le seul endroit au monde où je n’avais aucune envie de mettre les pieds un jour.
Comment j’en suis arrivé là ? Je le sais, bien sûr, je l’ai vécu, c’est mon histoire, mais en même temps je n’arrive pas à le comprendre. J’allais bien. Tout allait bien. A quel moment ça a merdé ? Pourquoi tout ce que j’ai fait pour corriger le tir n’a fait qu’empirer les choses ?
Je suis épuisé, mais mes muscles peu habitués me font moins mal que mon dos. Brûlure au troisième degré, bientôt cuit à point. Bien sûr, personne ne se soucie assez de mon bien-être pour me donner de la crème solaire. Ni un chapeau. Si je m’effondre d’une insolation, qui creusera leur trou ?
Ils s’en foutent. J’imagine que si je m’évanouis, ils le finiront eux-mêmes, le trou. Pour l’instant, ils économisent leur énergie et leur sueur. Ils se contentent de me regarder, au-delà de leurs lunettes de soleil qui reflètent tout le paysage. Le doigt sur la gâchette, ils me surveillent.
Je leur demande de l’eau. A ma grande surprise, ils m’en donnent. Peut-être que ça ne va pas si mal finir que ça, après tout. Peut-être que…
Le chef me demande :
« Il a l’air assez profond, ce trou, non ?
Ce n’est pas la première fois qu’il me pose la question. Jusqu’à présent, j’ai voulu gagner du temps, et à chaque fois je lui ai répondu « non, non, il n’est pas assez profond, je dois creuser encore ».
J’espérais. Je ne sais plus trop quoi. Mais j’espérais.
Maintenant, je n’en peux plus.
Je savoure l’eau. Chaque gorgée est un instant de bonheur.
Puis je réponds :
— Oui. Il est assez profond. »
Le chef hoche la tête. Il tire.
Les bras en croix, je m’écroule en arrière dans ma tombe.
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